Une récession auto-infligée qui aurait pu être évitée

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Le gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz, n’a pas vraiment qualifié la situation de « récession ». Mais, son rapport sur la politique monétaire mercredi dernier en a clairement parlé en utilisant des chiffres plutôt que des mots. En prévoyant que l’économie du Canada s’est contractée de 0,5 % au deuxième trimestre de 2015 (à la suite d’un déclin semblable au premier trimestre), la Banque se joint à une liste de plus en plus longue d'autres intervenants qui ont conclu que l'économie du Canada est maintenant en récession (définie traditionnellement comme deux trimestres consécutifs de croissance négative).

Jusqu’où l’étoile économique du Canada a-t-elle chuté? Encore tout récemment, le premier ministre Harper se vantait que l’économie canadienne faisait « l’envie du monde entier ». Cette prétention a toujours été surévaluée. À l’heure actuelle, elle est carrément absurde.

La Banque du Canada a baissé les taux d’intérêt pour la deuxième fois cette année, mais peu de personnes s’attendent à ce que cette mesure stoppe la chute libre. Après tout, les Canadiens sont déjà à sec : la dette des ménages dépasse maintenant 165 p. cent du revenu disponible. De plus, les entreprises hésitent plus que jamais à investir, en dépit des réductions coûteuses d’impôt aux sociétés qui privent le trésor fédéral de 15 milliards de dollars par année. Sans une forte volonté d'emprunt de la part des consommateurs et des entreprises, réduire les taux d'intérêt équivaut à lâcher la bride.

Alors, nous devons nous tourner vers le gouvernement pour trouver une réponse plus efficace à la récession. Toutefois, malheureusement, cela ressemble à un autre cul-de-sac politique. À ce jour, la réponse des conservateurs fédéraux a été aussi inefficace que prévisible : nier, pointer du doigt et propager la peur.

Leur premier réflexe est de nier qu'il existe même un problème. Il y a dix jours seulement, le ministre des Finances, Joe Oliver, a explicitement nié (à la radio de CBC) qu’une récession avait lieu, et a en fait continué de prévoir une « croissance solide » au Canada en 2015. Dans la foulée de nombreux rapports médiocres sur les investissements des entreprises, les exportations, les ventes au détail et d'autres indicateurs, des analystes se sont demandé sur quelle planète économique le ministre des Finances habite. La performance économique du Canada a systématiquement trainé derrière les prévisions optimistes pendant des années; maintenant, elle est carrément passée en marche arrière.

Ensuite, lorsque l’accumulation de preuves devient trop forte pour les nier, les conservateurs pointent le doigt ailleurs. Le premier ministre Harper l’a fait récemment à Toronto, en reconnaissant finalement que le Canada subit un ralentissement, mais a affirmé que « la raison de ce ralentissement s’explique par le ralentissement de l’économie mondiale ». Pourtant, l’économie mondiale est en croissance (de 3,1 % cette année, selon les plus récentes prévisions de la Banque du Canada). C’est l’économie du Canada qui en prend un coup. Il est difficile de blâmer le monde lorsque nous menons le bal en terrain négatif.

Certes, les manchettes à propos de la restructuration de la dette grecque et la volatilité du marché boursier en Chine sont inquiétantes. Mais elles n’ont pas affecté le PIB du Canada d’aucune manière mesurable. Bien que les prix mondiaux du pétrole soient certainement un facteur clé du ralentissement au Canada, nous avons fait des choix politiques délibérés ici sur la façon de structurer notre économie autour du marché mondial des matières premières. Le gouvernement a choisi de délaisser une stratégie plus diversifiée pour soutenir l’innovation, les investissements et les exportations dans un vaste éventail d’industries à valeur ajoutée. Il a décidé à la place de simplement suivre les hauts et les bas des prix du pétrole aussi longtemps que possible.

En bref, cette nouvelle récession suivant plusieurs années de performance sous la moyenne, est essentiellement auto-infligée. Le gouvernement ne peut pas fuir la responsabilité de ses décisions et de ses actions.

Finalement, le dernier élément de la réponse politique des conservateurs à la récession est sans doute le plus contestable. Ils cherchent maintenant à répandre la peur que si des changements sont apportés à leur politique d’austérité des dépenses et de réductions d’impôt malavisées, l’économie du Canada se retrouvera en plein chaos. Harper, Oliver et d’autres ministres conservateurs tentent maintenant de faire du capital politique sur une récession qu’ils ont eux-mêmes contribué à provoquer. Plutôt que de reconnaître leur responsabilité à l’égard de ce gâchis et de s’engager à faire mieux, ils s’en prennent aux critiques en menaçant qu’un désastre va avoir lieu si nous changeons de cap.

Lorsqu’ils prétendent que les prochains chèques d’allocations familiales – une tentative manipulation de 2 milliards de dollars pour acheter des votes aux prochaines élections – vont renverser en quelque sorte la tendance économique, c’est particulièrement insultant pour notre intelligence nationale. Ce cadeau préélectoral est insignifiant sur le plan macroéconomique. Les consommateurs vont sans doute épargner l’argent de toute façon : ils sont en mesure de constater qu’il s’agit d’un paiement politique unique, rien qui ne va véritablement influencer leur budget. Et puisque l’objectif ultime de l’ingénierie sociale des conservateurs (y compris les allocations familiales, le fractionnement du revenu et d’autres mesures) est manifestement d’encourager un parent de rester à la maison, cela va en fait ultimement porter atteinte à la participation des femmes à la main-d’œuvre, à l’emploi et au revenu. C'est exactement l’opposé de ce dont l’économie a besoin en réalité : du soutien pour un véritable emploi, plus de participations et des salaires réels.

Pendant des années, les conservateurs se sont présentés comme de « bons gestionnaires économiques » pour paver leur voie vers le pouvoir. Cette réputation est désormais en lambeaux, et avec raison. Ils ont gaspillé tellement d’occasions et mené le Canada dans une récession auto-infligée qui aurait pu être évitée. Ce pays a besoin d’un profond changement de direction.