Une discussion musclée s’impose avec le président mexicain

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Message du président avec photo de Jerry Dias
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Article publié dans le Huffington Post du mercredi 29 juin 2016

Le respect que j’éprouve pour notre nouveau premier ministre n’est un secret pour personne, surtout à la lumière du mépris que m’inspirait son prédécesseur.

Alors que des emplois de qualité sont délocalisés vers le Mexique, qui commet d’affreuses violations des droits de la personne, il est parfois difficile de voir Justin Trudeau se targuer publiquement que nous sommes de bons amis du président mexicain Enrique Peña Nieto.

« Il est difficile de croire que plus de six années se sont écoulées depuis la dernière visite d’État d’un président mexicain au Canada, a dit le premier ministre Trudeau lors du banquet organisé lundi pour le président Peña Nieto. Je suis sûr que toutes les personnes ici présentes conviendront que des amis ne devraient pas attendre aussi longtemps que six ans pour se rendre visite. »

Je suis convaincu que le premier ministre Trudeau et la première ministre de l’Ontario Kathleen Wynne, qui participait au banquet et s’était entretenue avec le président Peña Nieto plus tôt, abordent des questions plus délicates en privé, tout en étant les hôtes polis que le monde en est venu à respecter.

Bien des Canadiens, y compris ceux qui s’étaient rassemblés à l’extérieur, n’en attendent pas moins.

« C’est la campagne de propagande du Mexique, a déclaré à la CBC la militante Marta Sánchez, qui prenait part au rassemblement. C’est fabuleux. Ils sont très, très doués. Je ne savais pas que Peña Nieto avait des amis. »

Mme Sánchez, qui invoque des rapports d’Amnistie internationale, de Human Rights Watch et d’autres organismes pour justifier l’aide qu’elle apporte aux familles de 120 000 travailleurs migrants disparus, est d’avis que ce sommet devrait être l’occasion d’exercer de fortes pressions sur le Mexique pour qu’il améliore son bilan en matière de droits de la personne.

Au cours des journées précédant le sommet, la Maison-Blanche faisait l’éloge d’un accord sur les énergies vertes avec le Mexique, décrivant l’Amérique du Nord comme une « seule entité ».

Or, ce type de discours donne une impulsion à des politiciens comme Donald Trump, dont les propos anti-Mexique exacerbent les craintes des gens ordinaires, témoins de la délocalisation des emplois vers le Mexique et de la disparition de débouchés pour leurs enfants.   Les travailleurs canadiens et américains veulent que leurs dirigeants tiennent tête au Mexique.

Trudeau et Obama auraient intérêt à discuter avec Mme Sánchez et d’autres militants pour saisir vraiment à quel point les travailleurs sont maltraités au Mexique et pourquoi ces conditions en font un pays attrayant pour les grandes entreprises.

Nos dirigeants doivent avoir pour priorité de créer des emplois de qualité au Canada et de les défendre. Depuis la crise financière, le Mexique a accueilli huit nouvelles usines d’assemblage d’automobiles (ainsi que des milliers d’emplois), alors que le Canada en a fermé deux.

Ne vous y trompez pas : il y a une corrélation directe entre les violations des droits de la personne au Mexique et la délocalisation d’emplois dans ce pays. Bien entendu, aucune entreprise ne l’avouera, mais, lorsque des travailleurs doivent risquer leur vie pour faire valoir leurs droits, les coûts ont tendance à demeurer bas. Les lois environnementales laxistes et l’extrême pauvreté, qui empêche les travailleurs désespérés d’en exiger davantage de leurs employeurs, produisent le même effet.

Par l’intermédiaire du Fonds de justice sociale, Unifor collabore avec un grand nombre de groupes à la grandeur du Mexique pour rehausser la qualité de vie des travailleurs, notamment en les informant de leurs droits et de leurs moyens de défense, en renforçant la capacité des recruteurs syndicaux dans les usines de fabrication et en améliorant la sécurité des journalistes mexicains.

Le problème du Mexique ne se résume pas simplement à adopter de bonnes lois. Il doit aussi les mettre en œuvre et s’engager réellement à protéger les droits des travailleurs.

Par exemple, dans la ville frontalière de Tijuana, quelque 95 % des travailleurs des maquiladoras de la région sont syndiqués, mais les syndicats entretiennent des liens étroits avec les employeurs. Ces « syndicats fantoches » agissent de connivence avec les employeurs pour bafouer les droits de leurs propres membres.

Ce sont des sujets dont Trudeau et Obama devraient discuter avec Peña Nieto. D’une part, de bons amis ne volent pas d’emplois. D’autre part, de bons amis ne violent pas les droits de leurs propres citoyens. Finalement, de bons amis ne permettent pas à des entreprises de polluer leur territoire afin de maintenir leurs coûts à un bas niveau.

Voilà le message que le président Peña Nieto doit entendre.