Pendant cette pandémie, les travailleuses et travailleurs vont exercer leur pouvoir

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Par Jerry Dias

La crise de la COVID-19 a révélé plusieurs vérités profondes sur l'état de l'économie canadienne en 2020.

Par exemple, l'incompétence du secteur privé dans les établissements de soins de longue durée. Le manque de capacité de fabrication pour produire des biens essentiels lorsque nous en avons besoin. Les programmes de sécurité du revenu généralement insuffisants.

La liste pourrait être encore plus longue.

Mais la crise a dévoilé une faille profonde qui traverse le monde du travail au complet.

Cette crise a mis en lumière l'une des vérités les plus troublantes de notre économie qui nécessite une réflexion approfondie en cette fête du Travail : l'implacable dévaluation du travail.

Notre économie s'est développée, le secteur des entreprises s'est enrichi, mais les salaires ont stagné, les emplois à temps partiel et contractuels ont proliféré, et les emplois sont devenus plus précaires. À l’heure actuelle, les travailleuses et travailleurs ont nettement moins de probabilités d'être protégés par une convention collective qu'il y a une génération. 

Pendant des années, les travailleuses et travailleurs ont tiré la sonnette d'alarme face à la baisse constante des normes de travail et de rémunération au Canada. Pour les plus vulnérables et les plus défavorisés d'entre nous, c'est pire. Les taux de chômage sont nettement plus élevés chez les travailleuses et travailleurs de couleur et autochtones. Les écarts salariaux persistent chez les femmes.

Des champs agricoles aux usines. Des transports aux télécommunications, et dans tout le secteur des services. Je l'entends tous les jours. 

Les travailleuses et travailleurs se sentent remplaçables.

Les emplois sont de plus en plus automatisables.

Pour rester compétitifs, les employeurs freinent toute attente d'amélioration des salaires, des avantages sociaux et des pensions.

Puis, une crise survient. Et sur qui peut-on compter? 

Les travailleuses et travailleurs de première ligne – les préposés et les aides-soignants, les préposés à la transformation alimentaire et les ouvriers agricoles, les techniciens et les livreurs, les nettoyeurs, les travailleuses et travailleurs du transport, des médias, de l'énergie, des entrepôts, et les travailleuses et travailleurs de l'automobile qui se sont engagés à fabriquer des équipements de sécurité – ont tous mis leur santé et leur sécurité en jeu pour assurer la circulation des biens et fournir des services essentiels.

Nous les avons appelés les héroïnes et les héros de la COVID, avec des mots-clics et des panneaux d'affichage et des messages de remerciement. La vérité est que ces travailleuses et travailleurs n'ont rien fait de différent de ce qu'ils font jour après jour. Ils se présentent au travail. Ils travaillent dur. Ils font fonctionner notre économie.

Leur valeur est là.

Et si le monde a réfléchi à leur situation au cours des derniers mois, le passé n'a plus d'importance. Ce qui compte, c'est l'avenir. Ce qui compte, c'est de savoir si nous pouvons, en tant que société, transformer un éclair de reconnaissance momentané en améliorations permanentes des salaires, des normes de travail, de leur santé et de leur bien-être, et de la justice économique et sociale pour tous les travailleurs et travailleuses.  

Je crois qu'ensemble, nous pouvons y arriver. Parce que le changement se produit lorsque les travailleuses et travailleurs s’unissent, réalisent leur pouvoir collectif et agissent. Le changement se produit lorsque les travailleuses et travailleurs font passer leur solidarité avant leur propre intérêt – un pouvoir qui a constamment changé le cours de l'histoire.  

Ce qui est remarquable, c'est que ce pouvoir s'exerce tout autour de nous en ce moment même, catalysé par les événements des derniers mois, notamment les manifestations historiques pour la justice raciale, les grèves spontanées des athlètes professionnels et les protestations en milieu de travail concernant les normes de santé et de sécurité.

Comme d'habitude, si les décideurs n'interviennent pas pour apporter les changements nécessaires, les travailleuses et travailleurs vont livrer le combat nécessaire.

Les employeurs et les gouvernements devraient en prendre note. L'enjeu est trop important pour laisser passer les occasions de lutter pour une plus grande justice pour les travailleuses et travailleurs.

Au cours de la semaine dernière, plus de 1 400 membres d'Unifor à Terre-Neuve ont fait du piquetage devant les supermarchés Dominion appartenant à Loblaw dans toute la province. 

Les travailleuses et travailleurs, qui ont tout mis en jeu pendant cette crise, pour faire en sorte que nous ayons de la nourriture sur la table et que nous respections les ordonnances, malgré des salaires désespérément bas.

Ces travailleuses et travailleurs ne peuvent accepter que la société Les Compagnies Loblaw Ltée – le détaillant le plus riche du Canada, qui appartient à l'une des familles les plus riches du pays – élimine une hausse de salaire de 2 dollars de l'heure pendant la pandémie, même si le risque d'infection existe toujours. Ils ne peuvent accepter qu'une entreprise utilise abusivement des travailleuses et travailleurs à temps partiel faiblement rémunérés pour remplacer des emplois à temps plein, et ce depuis des décennies.

Ils ne peuvent pas accepter ces conditions, et ils ne devraient pas les accepter. Ils ne peuvent plus accepter ce type de traitement.

Et les millions d'autres travailleuses et travailleurs de première ligne au Canada qui ont reçu de leurs employeurs bien moins que ce qu'ils méritent ne devraient pas non plus accepter de se faire traiter ainsi.

En cette fête du Travail, souvenons-nous tous de ceux et celles qui font un travail qui revêt une réelle valeur au pays.

N'oublions pas à qui appartient le pouvoir.   ​