Mark Zuckerberg encourage la réglementation pour ses propres intérêts

Main Image
Image
Jerry Dias Headshot
Partager

Le débat sur la réglementation de Google et de Facebook vient de prendre une tournure intéressante puisque l'éminent nationaliste canadien Richard Stursberg s'est associé à Kevin Chan, le lobbyiste de Facebook à Ottawa, pour publier une chronique dans le Globe and Mail proposant une avenue réglementaire pour notre gouvernement fédéral.

Le fait que le PDG de Facebook, Mark Zuckerberg, qui a fait tout son possible pour résister à la réglementation en Australie, envoie ses laquais pour faire pression en faveur d'une réglementation au Canada signifie qu'il s'inquiète de ce que notre gouvernement pourrait faire.

C'est un signe des temps que Facebook adhère à certaines des options réglementaires que Richard Stursberg a proposées l'année dernière dans son livre The Tangled Garden: A Canadian Cultural Manifesto for the Digital Age. Par exemple, faire en sorte que les entreprises de médias sociaux perçoivent une taxe de vente auprès des consommateurs canadiens, le plus bas de tous les fruits à portée de main dans ce débat.

De manière plus importante, Mark Zuckerberg soutient maintenant l'idée de « combler les failles » de la Loi canadienne de l'impôt sur le revenu. Il s'agit d'une référence à l'inclusion des médias numériques comme Facebook dans le cadre de la politique qui date depuis 40 ans visant à limiter les privilèges de déduction fiscale des entreprises à l'achat de publicité dans les médias canadiens plutôt qu'étrangers. En tant que média étranger, Facebook en prendrait probablement un coup sur ses parts de marché de la publicité numérique canadienne.

Il est encore plus intéressant de noter que Facebook soutient maintenant la pression de l'OCDE pour établir un impôt commun sur les sociétés multinationales, après avoir fait de son mieux pour éviter de payer des impôts sur les sociétés au pays pendant des années. Pourtant, il est peu probable que le montant soit élevé, car l'OCDE ne fait rien depuis plusieurs années au sujet des entreprises de médias sociaux, grâce au gouvernement américain, le patron de Mark Zuckerberg.

Kevin Chan et Richard Stursberg préconisent également qu'Ottawa décharge Facebook de son autorégulation des discours de haine et des fausses nouvelles en établissant des normes gouvernementales, mais à condition bien sûr que Facebook échappe à toute responsabilité pour les grossièretés qui ne cessent de jaillir à travers ses filtres.

Par-dessus tout, Mark Zuckerberg veut tuer le projet du gouvernement fédéral d'adopter le modèle australien de rééquilibrage du pouvoir de négociation entre les éditeurs et Facebook pour les contenus d'actualité qui sont volontairement et involontairement publiés sur cette plateforme. 

Mark Zuckerberg reconnaît que « les plates-formes Internet (doivent) faire leur part pour soutenir une industrie de l'information florissante ». Alors comment?

Richard Stursberg et Kevin Chan proposent « en option » quelques largesses aux entreprises: l'année dernière, Facebook, qui a perçu en 2019 2,6 milliards de dollars de recettes publicitaires canadiennes servant à financer le journalisme canadien, a fait don d'un million de dollars en grande pompe pour financer le stage de douze mois de huit journalistes à la Presse canadienne.

L'autre option de financement de l'information proposée précédemment par Richard Stursberg est d'accorder aux éditeurs et aux diffuseurs un allègement fiscal pour le salaire des journalistes. C'est une bonne idée en principe, même si les éditeurs de presse à court d'argent ne paient pas beaucoup d'impôts sur les sociétés en ce moment, et qu'il n'y a donc pas grand-chose à amortir. 

Nulle part dans leur chronique, on ne trouve l'approbation ou le rejet d'une taxe fédérale sur les entreprises de médias sociaux pour financer le journalisme. C'était la recommandation du groupe d'experts du gouvernement fédéral au début de cette année.

Cette option de financement de l’information ne sera pas sur la table tant que notre gouvernement fédéral ne l'aura pas mise en place. Les libéraux ont été réticents à le faire en raison de l'attaque opportuniste des conservateurs sur le programme de crédit d'impôt pour le journalisme de 2019. Erin O'Toole a même juré d'abroger ce programme.

Si la société Facebook obtient ce qu’elle veut, elle continuera, main dans la main avec Google, à engranger des tonnes d'argent en monopolisant 80 % du marché canadien et mondial des données de consommation et de la publicité numérique. Cette situation va perdurer tant que les gouvernements américain et canadien offriront aux grandes entreprises technologiques une protection antitrust. Si vous examinez attentivement les options de Mark Zuckerberg, vous découvrirez que Facebook ne déboursera pas d’argent : c’est vous qui allez payer.