Les travailleuses et travailleurs canadiens doivent se préparer à de nouvelles luttes commerciales avec les États-Unis

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Sune Sandbeck
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La poussière était à peine retombée sur le conflit commercial de 2018-19 entre les États-Unis et le Canada lorsque l'administration Trump a annoncé en août que des droits de douane seraient réimposés au Canada en réponse à une supposée « flambée » des importations canadiennes d'aluminium primaire. Heureusement, la deuxième série de droits de douane a été de courte durée, puisqu'elle n'a duré qu'un mois avant d'être abrogée.

Bien que le récent cessez-le-feu ait été une bonne nouvelle pour les travailleuses et travailleurs de l'aluminium au Canada – y compris pour les milliers de membres d'Unifor au Québec et en Colombie-Britannique –, cela ne signifie pas nécessairement une victoire durable pour l'industrie canadienne de l'aluminium. En fait, comme je l'ai suggéré dans un récent article du CCPA intitulé « Behind the Numbers » (Derrière les chiffres), une nouvelle lutte commerciale pourrait bien se profiler à l'horizon à l’issue des prochaines élections américaines.   

Des allégations de hausse des importations d'aluminium ont été formulées pour la première fois au Canada fin mai par un groupe qui s'appelle l’Association américaine de l’aluminium primaire (APAA).

La lettre que l’APAA a écrite au bureau du représentant américain au commerce (USTR) était trompeuse sur deux points. Tout d'abord, l'augmentation apparente de l'aluminium primaire aux États-Unis a été clairement causée par un effondrement temporaire de la demande pour les produits en aval de l'aluminium. Comme les fonderies d'aluminium ne peuvent pas être fermées à tout moment, les producteurs canadiens ont logiquement transféré leur production vers des produits primaires faciles à transporter et à stocker pour le moment. Avec la réouverture de nos économies, les importations d'aluminium primaire canadien aux États-Unis ont chuté de 19 pour cent en juillet, comme prévu.

Deuxièmement, l'APAA s'est présenté à tort comme la voix de l'industrie américaine de l'aluminium. En réalité, ses deux seuls membres - Century et Magnitude 7 - sont tous deux affiliés à la société suisse Glencore Plc, l'une des plus grandes sociétés minières du monde et un acteur clé du commerce mondial de l'aluminium. Century était autrefois une filiale à part entière de Glencore (qui détient toujours 47,5% des parts de la compagnie) tandis que Magnitude 7 est dirigée par un ancien négociant de Glencore.

Avec la chute précipitée des prix de l'aluminium depuis octobre 2019 (voir figure 1), et avec des stocks d'aluminium cachés ou sans contrat de vente estimés à 2,5 millions de tonnes aux États-Unis, relancer la lutte tarifaire entre les États-Unis et le Canada présentait une stratégie évidente pour encourager les prix régionaux à remonter.

La lutte commerciale de 2018-2019 a fait plus que doubler la prime régionale du Midwest américain, alors que des lacunes dans l'offre sont apparues, ce qui signifie que les producteurs et les négociants assis sur des stocks cachés ont réalisé un profit net. Cette fois-ci, la simple attente d'une bataille commerciale a fait grimper les prix une fois de plus, la prime du Midwest passant d'un minimum d'environ 180 dollars par tonne en juin à près de 320 dollars par tonne en août (figure 1).

Figure 1: Prime régionale du Midwest américain (dollars américains/tonne métrique)

 

Mais alors que l'administration Trump a rétabli les droits de douane de 10 % sur l'aluminium primaire canadien en août, l'annonce imminente de contre-mesures canadiennes sur des produits américains d'une valeur de 3,6 milliards de dollars en septembre a fait cligner des yeux les États-Unis. L'USTR a abrogé les droits de douane le 15 septembre.

Les Canadiens doivent cependant savoir que l’USTR n’a signalé qu’un sursis temporaire. En lieu et place des droits de douane, les États-Unis ont imposé des quotas unilatéraux sur l'aluminium primaire canadien, en vigueur jusqu'à la fin de l'année. Les importations dépassant de plus de 5 % les quotas mensuels entraîneront l'application rétroactive des droits de douane. Comme le montre le tableau 1, ces montants sont toutefois très restrictifs et bien inférieurs aux niveaux d'importation d'aluminium primaire canadien de 2019.

En d'autres termes, il y a tout lieu de croire que l'administration Trump a l'intention de relancer la guerre commerciale avec le Canada dès que possible. Sa capacité à le faire dépend entièrement de l'issue de la prochaine élection présidentielle américaine.

Tableau 1: Quotas de l'USTR sur les importations canadiennes d'aluminium primaire par rapport aux niveaux de 2019 (millions de tonnes)

 

SEPT

OCT

NOV

DÉC

Quotas 2020 de l’USTR

83

70

83

70

Niveau des importations 2019

139

134

108

162

Différence

-40%

-48%

-23%

-57%


 

Researchers

Sune Sandbeck

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Sune Sandbeck, National Representative, Research Department
Représentant nationale, département de la recherche
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