Les récents droits de douane imposés sur l'aluminium canadien sont insensés et nuisent aux intérêts américains

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Par Jerry Dias, président national d’Unifor, publié dans le The Star, le 13 septembre 2020

L'administration Trump a annoncé fin juillet que des droits de douane de 10 % seraient à nouveau perçus sur les importations d'aluminium primaire en provenance du Canada, répondant ainsi aux demandes d'un petit groupe d'initiés de l'industrie qui s'appelle l'Association américaine d’aluminium primaire (APAA).

L'APAA sait qu'il existe des explications raisonnables à l'augmentation des importations d'aluminium primaire canadien aux États-Unis. D'une part, les fonderies d'aluminium ne peuvent pas simplement arrêter leur production à tout moment. Après que l'industrie automobile américaine ait interrompu ses activités en mars en raison de la pandémie de la COVID-19, les producteurs canadiens se sont temporairement tournés vers les exportations d'aluminium primaire.

Mais avec l'amélioration des conditions économiques, les exportations canadiennes d'aluminium P1020 vers les États-Unis ont chuté de 40 pour cent en juin et juillet. Quelle que soit la hausse des exportations canadiennes, elle n'a été qu'un point sur le radar.

L'APAA sait également que le véritable danger pour l'industrie de l'aluminium dans ces deux pays a été la montée en flèche des volumes d'aluminium de l’étranger en provenance de Chine et de Russie, qui se sont vu accorder des milliards de dollars d’exemptions tarifaires par les États-Unis et qui ont été autorisés à faire entrer leurs produits en aluminium par la porte de derrière via le Mexique.

Enfin, les insinuations de l’APAA selon lesquelles l'industrie canadienne de l'aluminium est en quelque sorte subventionnée par le gouvernement sont tout simplement infondées. En fait, le contraire est vrai : deux producteurs d'aluminium américains à l'origine de l'APAA ont l'intention de faire subventionner par le gouvernement américain leurs modèles commerciaux défaillants par le biais de ces tarifs.

L'APAA a été fondée en 2018 par Century Aluminum Co. et Magnitude 7 LLC. Century et son PDG Mike Bless ont pris l'initiative d’inciter l'administration Trump à réimposer des droits de douane sur le Canada. Selon des documents publics, Century a dépensé 419 000 dollars rien qu'en 2020 en employant sept lobbyistes influents de Washington ayant des connexions directes avec la Maison Blanche pour supprimer l'exemption de droits de douane du Canada au titre de l'article 232. 

Il n'est pas nécessaire de creuser trop loin pour comprendre pourquoi. Century a perdu de l'argent pendant neuf années consécutives et se trouve actuellement assise sur une montagne de dettes – environ 375 millions de dollars, avec seulement 174 millions de dollars de réserves de trésorerie.

En réimposant des droits de douane sur l'aluminium au Canada, l'administration Trump jette l'argent par les fenêtres et subventionne une entreprise vouée à l'échec, au détriment du consommateur américain.

Derrière l'APAA se trouve Glencore PLC, l'un des plus grands négociants en matières premières au monde, dont le siège social international est en Suisse et qui détient 47 % des parts de Century Aluminum.

Bien qu'il ne soit pas un fabricant d'aluminium, Glencore est un acteur majeur dans le commerce et l'arbitrage de l'aluminium au niveau mondial et a récemment conclu un accord avec le producteur d'aluminium russe Rusal pour acheter jusqu’à 16,3 milliards de dollars d’aluminium.

Glencore n'est pas non plus étranger à la controverse : il fait actuellement l'objet d'une enquête aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Suisse pour des soupçons de corruption, de facilitation de la corruption et de blanchiment d’argent liés à ses opérations en République démocratique du Congo, au Nigeria et au Venezuela.

Pour Century et Glencore, la réimposition de droits de douane sur le Canada représente une voie évidente vers l'augmentation des prix régionaux en Amérique du Nord. En privant les États-Unis d'un approvisionnement fiable en aluminium en provenance du Canada, les prix augmenteront invariablement, ce qui permettra aux négociants régionaux qui détiennent des stocks de ce métal de faire des bénéfices.

Ironiquement, les États-Unis prévoient probablement plus de mises à pied que si Century et Magnitude 7 devaient simplement se débrouiller par elles-mêmes. Les fabricants américains en aval seront obligés de réduire leurs effectifs pour s'adapter à la baisse des marges bénéficiaires et 86 pour cent des 58 000 travailleuses et travailleurs du secteur américain de l'aluminium sont impliqués dans la transformation.

N'ayant pas le choix, le gouvernement canadien a également annoncé qu'il imposerait des droits de représailles d’une valeur de 3,6 milliards de dollars sur les produits américains en aluminium, ce qui nuira encore davantage à l'industrie manufacturière américaine à un moment critique de sa reprise économique après la crise de la COVID-19.

Le retour d'une guerre commerciale coûteuse et insensée entre le Canada et les États-Unis finira par nuire aux Canadiens comme aux Américains sans produire aucun avantage économique pour l'un ou l'autre pays. Les droits de douane doivent être éliminés dès maintenant.