Les dépenses gouvernementales en 2020 sont-elles sans précédent? Pas tout à fait.

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Kaylie Tiessen
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Nous avons tous beaucoup entendu parler de l'ampleur du déficit fédéral canadien ces derniers temps.

Le mois dernier, la Banque Nationale a indiqué que le déficit du Canada était plus important que celui de tout autre pays du G-20.

Le même mois, la CBC a diffusé le titre Keep Calm and Borrow On (Restez calme et empruntez) citant les récents discours de la ministre des Finances, Chrystia Freeland, sur le plan du gouvernement pour soutenir les gens pendant la crise de la COVID-19 et attendre une date ultérieure pour établir une cible budgétaire.

Tous ces discours sur les dépenses sans précédent du gouvernement ont suscité ma curiosité de savoir si cette affirmation est vraie ou non: le gouvernement fédéral a-t-il déjà connu un déficit plus important que cette année? Il s'avère que la réponse est oui.

Le graphique ci-dessous illustre ce point. Pendant les quatre années qui ont précédé la Seconde guerre mondiale, le déficit fédéral a atteint entre 18 et 23 % du PIB.

 

Source: Calculs de l'auteure avec les données de Statistiques historiques du Canada, Série Finances du gouvernement fédéral; Tableaux de référence financiers du ministère des Finances; Bureau parlementaire du budget.

Jusqu'à présent, le Bureau parlementaire du budget prévoit que le déficit de cette année s'élèvera à environ 15 % du PIB, soit moins que pendant la Seconde guerre mondiale. Au lieu de s'effondrer dans les années qui ont suivi la guerre, l'économie canadienne et les personnes qui y travaillent et y vivent ont prospéré.

Nous vivons un moment qui exige un effort extraordinaire de notre part à tous, gouvernement compris. L'histoire nous apprend que nous ne devons pas craindre un déficit lors de crises sans précédent. Les mesures économiques liées à la COVID-19 – PCRE, PCU, SSUC, CUGE, CUEC, Accord sur la relance sécuritaire, les mesures de soutien à l'industrie attendues depuis longtemps et à venir, les exonérations fiscales, les reports d'impôts, les garanties de prêts, les subventions au loyer des entreprises, la prolongation des périodes de mise à pied et autres – ont toutes joué un rôle vital pour soutenir les individus et les entreprises tout en protégeant la santé publique et en empêchant un nouvel effondrement économique.

Même lorsque l'exercice budgétaire sera terminé et que l'ampleur du déficit sera officiellement mesurée, de grandes questions subsisteront.

Dans son Rapport sur la politique monétaire d’octobre 2020, la Banque du Canada prévoit que l'économie canadienne ne retrouvera probablement pas le niveau du PIB mesuré en 2019 avant 2022. Même alors, plusieurs industries auront connu des changements structurels.

Des milliers de travailleuses et travailleurs auront perdu leur emploi de façon permanente et devront (ou devront) passer à un nouvel emploi. Certaines industries se redresseront rapidement (certaines créent même plus de production et d'emplois qu'au début de l'année), tandis que d'autres resteront en difficulté pendant des années. Des secteurs tels que le transport aérien et le tourisme peuvent être modifiés à jamais.

À moyen terme, le gouvernement devrait se concentrer sur la réduction de la taille relative de la dette par rapport au PIB en faisant croître l'économie. Dans le type d'environnement économique dans lequel nous nous trouvons actuellement, où la politique monétaire ne peut pas faire grand-chose pour stimuler davantage l'activité économique, comment le gouvernement devrait-il intervenir? En dépensant de l'argent dans les programmes publics et les infrastructures publiques.

En juin, Unifor a lancé son plan pour une Relance économique équitable, inclusive et résiliente. Ce plan recommande au gouvernement de continuer à enregistrer d'importants déficits dans un avenir proche afin d'établir une meilleure base pour la croissance économique à venir.

Nous devons présentement penser au long terme, et non au court terme. Si nous agissons trop dans une perspective rapide de court terme, nous nous retrouverons dans une situation de crise prolongée. Si nous pensons un peu plus loin, nous nous retrouverons avec des infrastructures publiques plus solides, des emplois de meilleure qualité et un ratio dette/PIB légèrement plus élevé.

Si vous vous inquiétez de l'ampleur des dépenses publiques actuelles ou si vous avez des questions, consultez notre guide récemment publié qui déboulonne les mythes sur la dette et le déficit.

Utiliser l’expression « sans précédent » pour décrire tout ce que nous avons vécu en 2020 semble être un euphémisme. Cependant, lorsqu'il s'agit des dépenses du gouvernement fédéral, il s'avère que l’expression « sans précédent » est une exagération.


 

Researchers

Kaylie Tiessen

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Kaylie Tiessen, National Representative, Research Department
Représentante nationale, département de la recherche
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