L’annonce relative à l’AECG confirme la possibilité de corriger les lacunes des accords commerciaux

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Message du président avec photo de Jerry Dias
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Article publié dans le Huffington Post du 2 mars 2016

Notre nouveau gouvernement libéral affirme maintenant que l’Accord économique et commercial global (AECG) avec l’Europe pourrait être signé, ratifié et mis en œuvre d’ici 2017 à la suite du remaniement plutôt mineur d’une de ses parties.

Un instant!

L’AECG soulève encore bien des préoccupations. Toutefois, nous pouvons corriger ses lacunes, ainsi que celles d’autres accords commerciaux. Voilà ce que l’annonce faite mardi confirme.

En annonçant lundi la modification de ce qui était censé être un marché conclu, la ministre du Commerce international Chrystia Freeland a reconnu qu’il était possible de remanier un accord commercial devant une vive opposition et une forte mobilisation de l’opinion publique.

L’AECG entre le Canada et l’Union européenne a été annoncé par le gouvernement Harper en octobre 2013. Le mécanisme de règlement des différends entre un investisseur et un État qu’il prévoit est rapidement devenu un sujet épineux pour les États européens.  Leurs citoyens soutenaient que la capacité des entreprises à poursuivre en justice les gouvernements nuisant à leurs profits porterait atteinte à la démocratie et empêcherait les gouvernements à adopter les lois désirées par la population.

Cette opposition a déclenché une ronde de pourparlers visant à revoir le mécanisme de règlement des différends entre un investisseur et l’État, laquelle a abouti à l’accord annoncé la semaine dernière. Pendant ce processus, les représentants gouvernementaux se sont efforcés par tous les moyens de convaincre le public qu’il s’agissait d’une révision juridique normale du libellé de l’AECG, alors qu’il s’agissait en fait d’une renégociation en coulisse. 

La notion selon laquelle un « accord signé » n’est pas vraiment un « marché conclu » mine la crédibilité des négociations commerciales, qui se déroulent, pour l’essentiel, en secret.

La réforme du mécanisme de règlement des différends entre un investisseur et l’État ne change pas grand-chose à l’accord. Les entreprises peuvent encore poursuivre les gouvernements pour avoir pris des décisions d’intérêt public qu’elles désapprouvent. Pis encore, aucune des modifications annoncées n’a trait aux nombreuses autres préoccupations que l’accord soulève en soi, dont le droit de nos gouvernements de s’approvisionner en priorité auprès d’entreprises canadiennes (pour s’assurer que les dépenses publiques aident le plus possible les Canadiens), la menace qui pèse sur la gestion de l’offre et les avancées imaginaires sur le plan des exportations dans le secteur de l’automobile.

L’AECG contient des dispositions autorisant le Canada à exporter davantage de voitures en Europe. De prime abord, ces dispositions semblent avantageuses. Or, dans l’industrie de l’automobile, nous accusons déjà un déficit commercial de plus de 5,3 milliards de dollars avec l’Europe. En effet, l’Europe nous vend pour 5,6 milliards de dollars de voitures, alors que nous en exportons pour seulement 269 millions de dollars. Les voitures européennes exercent un attrait sur les Canadiens (il suffit de penser aux marques de luxe comme BMW, Mercedes et Audi), tandis que le Canada fabrique d’excellents véhicules qui ne sont pas destinés au marché européen.

L’AECG n’y changera rien.

La véritable leçon à tirer de l’annonce de lundi, c’est que l’opposition publique et la mobilisation politique ont le pouvoir de changer les choses. Le concept voulant que les accords commerciaux doivent accorder plus de droits aux investisseurs privilégiés du secteur privé est plus fragile que ce que les partisans du libre-échange veulent l’admettre.

La population est de plus en plus mal à l’aise avec le pouvoir de décider des politiques publiques que les accords commerciaux confèrent aux entreprises. Le mécanisme de règlement des différends entre un investisseur et un État de l’AECG a plongé les Européens au cœur d’une intense polémique politique. À peine deux ans plus tard, l’accord a été revu.

C’est une bonne chose. Ce revirement montre qu’il est possible de corriger les lacunes d’un accord grâce à l’opposition publique et politique.

Et pas seulement celles de l’AECG. Le mécanisme de règlement des différends entre un investisseur et un État suscite également des inquiétudes dans l’accord conclu entre le Canada et la Chine et dans le Partenariat transpacifique (PTP), que Mme Freeland a récemment signé et souhaite débattre au Parlement à des fins de ratification.

Encore une fois, ne nous jetons pas tête baissée dans ces accords. À la lumière des modifications annoncées lundi, nous devons nous demander pourquoi le Canada consentirait à un mécanisme de règlement des différends entre un investisseur et un État dans le PTP, mais pas dans l’AECG. Comment Mme Freeland peut-elle affirmer qu’il n’y a plus aucune marge de manœuvre pour négocier dans le cadre du PTP, alors que nous venons de renégocier l’AECG?

Lundi, Mme Freeland a prouvé qu’il était possible de redresser un accord commercial problématique. Il ne faut rien de plus qu’une opposition publique et politique suffisante ainsi qu’un effort concerté.  

Comme l’AECG, le PTP, qui menace 20 000 emplois de qualité dans l’industrie de l’automobile seulement, fait face à une opposition grandissante. De plus, pratiquement aucun des principaux candidats à la présidence des États-Unis n’appuie le PTP, ce qui illustre le malaise de l’électorat américain à l’égard de celui-ci.

On dirait bien qu’une porte vient de s’ouvrir. Si nous pouvons changer l’AECG, nous pouvons aussi changer le PTP.