Il est temps de renverser le modèle de l’assurance-emploi

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Le filet de sécurité sociale du Canada a été démantelé morceau par morceau dans le cadre de la restructuration délibérée de notre économie pour répondre aux besoins des entreprises, et non des travailleuses et travailleurs.

L’expérience a échoué, et le modèle doit être renversé.

Il y a eu un changement philosophique et idéologique au cours d’une génération qui a mis l’individualisme au premier plan, une croyance en l’idée de travailler pour le salaire seulement, plutôt que par passion ou principe, et qui déshonorait tout ce qui pouvait être obtenu sans effort.

Le chômage est passé d’un problème économique normal et structurel affectant les travailleurs à quelque chose de peu naturel, le résultat de défauts personnels, d’un manque de compétences et de défauts de caractère.

Le changement de nom de l’assurance-chômage à l’assurance-emploi en 1996 en faisait partie. Il était clair qu’il n’y aurait plus de place pour un régime d’assurance-chômage fort, comme nous l’avions vu au début des années 1970.

En fait, les architectes politiques de cette vision néolibérale du monde ont travaillé fort pour le démanteler, convainquant les décideurs que le régime nuisait à la productivité et à la capacité concurrentielle du Canada en encourageant une faible éthique professionnelle et de mauvaises habitudes de travail.

Balivernes.

Cette attitude condescendante du gouvernement peut être résumée par l’ancien ministre des Finances conservateur, Jim Flaherty, lorsque, dans la foulée de la grande récession et du chômage persistant au Canada, il a déclaré qu’« il n’y avait pas de mauvais emploi : le seul mauvais emploi est de ne pas avoir d’emploi ».

Ce mythe d’une main-d’œuvre canadienne de plus en plus inactive a été répété sans arrêt par les dirigeants politiques dans des discours et des entrevues dans les médias, souvent accompagnés de citations d’employeurs à bas salaire se plaignant de ne pas pouvoir trouver de travailleurs à des salaires de misère.

Cette tactique s’est avérée efficace à plusieurs niveaux.

Elle a donné aux élus un bouclier politique pour justifier les coupes et restreindre l’accès aux prestations d’assurance-emploi.

Elle a divisé les travailleuses et travailleurs. Ceux qui avaient un bon emploi se sont fait dire qu’ils devaient en vouloir aux « paresseux » qui abusaient du régime.

La demande d’assurance-emploi est devenue punitive, socialement inacceptable et difficile pour les travailleurs sans emploi.

Les personnes travaillant dans des conditions dangereuses et déplorables y réfléchissaient à deux fois avant de quitter leur emploi, sachant qu’elles ne recevraient pas d’assurance-emploi pendant qu’elles cherchent un meilleur emploi.

Pire encore, la situation a réduit le pouvoir de la main-d’œuvre et miné la croissance des salaires, donnant aux employeurs à bas salaire un bassin de travailleuses et travailleurs désespérés et prêts à accepter des emplois, n’importe lesquels, malgré leurs compétences ou leur intérêt.

La COVID-19 a révélé non seulement à quel point l’assurance-emploi était devenue sérieusement imparfaite, mais a également ouvert des brèches dans les mythes et les hypothèses qui ont justifié l’érosion de l’assurance-emploi en premier lieu.

La structure de l’assurance-emploi étant imparfaite, la Prestation canadienne d’urgence devait être élaborée et mise en œuvre rapidement. Aucun autre régime préexistant ne pouvait offrir le soutien dont avaient besoin des centaines de milliers de travailleuses et travailleurs sans emploi pour payer leurs factures et acheter des biens et des services essentiels. La Prestation canadienne d’urgence a contribué à absorber une grande partie du choc économique créé par la pandémie.

Combien d’autres entreprises auraient été forcées de fermer si les gens n’avaient pas d’argent à dépenser dans leur communauté?

Les Canadiens savent maintenant ce qui se passe lorsqu’il y a peu ou pas de soutien à la sécurité du revenu en temps de crise, et ils exigent que les régimes auxquels ils contribuent soient là lorsqu’ils en ont besoin.

C’est pourquoi Unifor lance une campagne nationale et un rapport proposant des réformes significatives du régime d’assurance-emploi du Canada afin d’en faire un régime juste, accessible, équitable et résilient, un rappel de la raison pour laquelle il a été créé en premier lieu, il y a plus d’un demi-siècle.

L’assurance-emploi n’est pas une aumône. Il s’agit d’un élément essentiel du filet de sécurité sociale du Canada qui protège les travailleurs, les entreprises, les communautés et l’économie.

Le milieu des affaires a peut-être profité de la philosophie du « chacun pour soi » qui a ravagé le gagne-pain des travailleuses et travailleurs, mais cette expérience est terminée. Elle a lamentablement échoué.

La pandémie nous a rappelé à tous et toutes l’importance de travailler ensemble et de protéger le bien commun. Pendant cette période difficile, les dirigeants politiques nous ont souvent rassurés en nous disant que « nous sommes tous dans le même bateau ». Il est temps que nos politiques et programmes sociaux le reflètent.