Des mesures de soutien en milieu de travail peuvent aider les femmes à quitter un partenaire violent

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Windsor Star

Le 6 décembre 2014

Julie White et Jerry Dias

Une femme vivant avec un partenaire violent peut tenter jusqu’à sept reprises de le quitter avant d’être capable de le faire définitivement, si elle y arrive. Chaque année, jusqu’à 80 femmes ne sont pas capables de le faire. Elles sont souvent assassinées, ainsi que leurs enfants, par un abuseur parce que le système les a totalement laissé tomber.

À l’heure actuelle, le principal obstacle des femmes qui tentent de fuir une relation abusive est économique; l’accès à un logement abordable et un chèque de paie régulier d’un emploi où elles sont en sécurité et où leur sécurité financière n’est pas menacée parce qu’elles décident de recommencer leur vie.

Un trop grand nombre de femmes sont confrontées à faire un choix impossible entre une maison dangereusement violente et l’extrême pauvreté. Même pour une femme ayant un emploi décent, l’instabilité engendrée par un départ du foyer, combinée à la peur et à la honte que tant de femmes éprouvent, peut être accablante.

La vie des femmes est le plus à risque lorsqu’elles tentent de mettre fin à une relation violente. Il y a trois ans, Cynthia, membre d’Unifor dans une grande usine manufacturière, a subi une agression presque fatale aux mains de son ex-mari qui s’était introduit dans sa maison alors qu’elle dormait. La tentative de meurtre, pour laquelle il a été poursuivi et condamné par la suite, a menacé sa vie au point d’être hospitalisée sous respirateur artificiel. Heureusement, ses filles n’étaient pas à la maison au moment de l’agression, et des proches ont pu prendre soin d’elles alors que leur mère se rétablissait.

Au travail, Cynthia commençait seulement à parler de sa situation à la maison et de la peur qu’elle ressentait. Une enquête nationale sans précédent a mis en lumière une vérité connue depuis longtemps : la violence conjugale suit les femmes comme Cynthia jusqu’au travail. Le tiers des 8 429 répondantes au sondage ont rapporté avoir subi une certaine forme de violence conjugale et ont affirmé qu’elle les avait suivies jusqu’au travail par des appels téléphoniques abusifs, des menaces, du harcèlement criminel, des voies de fait, une anxiété accrue, de la fatigue et une incapacité à se concentrer, à arriver à l'heure au travail ou à se rendre tout simplement au travail. Les effets se sont aussi propagés jusqu’aux relations avec les collègues.

Les employeurs et les syndicats ont une responsabilité, et une capacité unique, de faire une différence dans la vie des femmes fuyant une relation abusive. Des mesures de soutien en milieu de travail peuvent contribuer grandement à garantir la sécurité et le bien-être des travailleuses. Cela commence par la possibilité de divulguer les circonstances de cette réalité à une personne que les femmes connaissent, en privé et dans un cadre confortable. Cela signifie d'avoir accès à une personne envers qui elles peuvent se confier, sachant qu'elles ne seront pas jugées (une anxiété que plusieurs survivantes signalent avoir vécue).

Partout au pays, Unifor peut compter sur plus de 300 intervenantes auprès des femmes qui ont été formées pour fournir un service confidentiel, y compris des ressources, et expliquer les options possibles tout en aidant à planifier et à se lier aux soutiens communautaires ainsi qu’en milieu de travail.

Cynthia est retournée au travail lorsque ses blessures physiques ont été guéries. L’intervenante auprès des femmes l’a aidée à établir un plan avec des mesures d'adaptation en fonction de ses blessures et à mettre en place un environnement plus sécuritaire. Bien que ses cicatrices ne soient pas visibles, elle vit avec le traumatisme psychologique de cette agression. Ses filles ont aussi reçu des services de counselling par le syndicat pour traverser cette crise.

Le programme des intervenantes auprès des femmes, négocié à la table de négociation et payé par l’employeur, fait partie du nombre de mesures de soutien qui sont si nécessaires. En outre, l’enquête a formulé certaines recommandations fondamentales, notamment un congé payé pour violence conjugale et la possibilité de demander des arrangements de travail flexibles, ainsi qu'une formation pour les gestionnaires, les superviseurs et les travailleurs au sujet de la violence conjugale en milieu de travail. Les recommandations suggèrent aussi d’avoir les outils nécessaires pour protéger et soutenir les victimes.

Au plan gouvernemental, des dispositions interdisant la discrimination contre les personnes subissant des actes de violence conjugale doivent être ajoutées à la législation en matière de droits de la personne.

L’intervenante auprès des femmes dans le milieu de travail de Cynthia l’aide, ainsi que son employeur, à planifier comment garantir sa sécurité lorsque son ancien partenaire aura droit à des sorties de jour de la prison en janvier, et dans l’éventualité où il sera en liberté conditionnelle totale plus tard dans l’année.  Le courage de Cynthia et de ses filles est incroyablement inspirant, mais pour les survivantes de violence conjugale, un sentiment permanent de sécurité peut être illusoire.

Chaque année, les employeurs perdent 77,9 millions de dollars en raison de problèmes liés à la violence conjugale. Au-delà des coûts financiers, les conséquences sont terribles sur les femmes et les enfants. Il revient aux employeurs, aux syndicats, au gouvernement et aux organismes de travailler ensemble pour protéger les personnes qui subissent de la violence conjugale.  Nous devons faire en sorte que la peur de la pauvreté ne condamne pas les femmes à leur mort en restant dans un foyer violent.

Cette année, à l’occasion du 25e anniversaire de la tuerie de Montréal, le 6 décembre, il est essentiel que nous mettions en place des mesures de soutien pour permettre aux gens, notamment les familles aux prises avec la violence conjugale, de vivre sans peur et de s’épanouir.

Julie White est directrice du Service de la condition féminine d’Unifor et faisait partie du comité directeur de l’enquête « Une personne peut-elle être en sécurité au travail alors qu’elle ne l’est pas à la maison? », coparrainée par l'Université Western et le Congrès du travail du Canada. Jerry Dias est le président national d’Unifor et membre du conseil d’administration de Halton Women’s Place.