Crise des journaux : Il est urgent de passer à l’action

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Huffington Post

Le 27 janvier, 2016

À l’ère de la consommation effrénée d’information, les institutions au cœur même des médias d’information sont en pleine crise et requièrent l’attention de nos dirigeants politiques.

La semaine dernière seulement, Postmedia a fusionné des salles de presse à Ottawa, à Edmonton, à Calgary et à Vancouver. Par conséquent, un grand nombre de journalistes talentueux et dévoués ont perdu leur emploi et les voix propres à ces journaux ont été étouffées.

En Colombie-Britannique, Black Press a annoncé la fermeture du journal Nanaimo Daily News, vieux de 141 ans. En Ontario, Torstar a fermé Guelph Mercury, qui était publié quotidiennement depuis l’année de la Confédération canadienne.

Lorsqu’un journal ferme, nous en souffrons tous. À la grandeur du pays, le rôle vital des journalistes est remis en question comme jamais auparavant. Sans un secteur des médias d’information prospère, notre démocratie s’affaiblit.

Prenons les quatre villes touchées par la décision de Postmedia. Jusqu’à maintenant, chacune d’elles avait un journal grand format et un tabloïd dynamique. Ces deux publications abordaient les nouvelles du jour à leur manière et se faisaient concurrence en tentant toujours de garder une longueur d’avance.

Cette concurrence en faisait de meilleurs journaux, car ils cherchaient à surpasser leur compétiteur avec des exclusivités, des reportages fouillés et des angles différents. La fusion de leurs salles de presse fait disparaître la voix qui leur était propre et la concurrence qui les poussait à se dépasser.

Avec Internet, il est possible de consommer de l’information sur une panoplie de plateformes numériques différentes, et ce, presque partout. Bien que le numérique propulse le lectorat à des sommets inégalés, les entreprises médiatiques peinent à trouver l’argent dont elles ont besoin pour continuer à produire de l’information, car les revenus de publicité des journaux traditionnels diminuent et Google et Facebook, à eux seuls, accaparent la moitié de la publicité interactive offerte.

Peu importe la source d’information que vous privilégiez, n’oubliez pas que les journaux demeurent le fondement du journalisme au Canada. Voilà pourquoi la décision de Postmedia de fusionner des salles de presse ainsi que la fermeture des journaux de Guelph et de Nanaimo sont aussi dévastatrices.

La décision de Postmedia a à peine suscité une réaction du Bureau de la concurrence, dont le rôle est pourtant de protéger les intérêts canadiens. Comme le professeur Dwayne Winseck de l’école de journalisme de l’Université Carleton l’a dit sur les ondes de la CBC, le Bureau de la concurrence a « bêtement » pris la décision précipitée d’accepter la fusion des salles de presse cette semaine, bien qu’il ait promis de ne pas le faire il y a un an seulement.

Pour beaucoup, cette situation n’était que trop prévisible. Criblés de dettes par suite de multiples ventes et reventes au cours des 10 dernières, les journaux de partout au pays ont du mal à répondre aux demandes incessantes de leurs propriétaires et des porteurs de titres d’emprunt.

En 2010, lorsqu’il a formé sa chaîne de journaux à l’aide de fonds à vautour américains (les investisseurs canadiens s’étant défilés), Postmedia a contourné les restrictions relatives à la propriété étrangère en promettant que les journaux seraient bientôt remis dans les mains de Canadiens et que les Canadiens mèneraient la barque malgré qu’ils soient actionnaires minoritaires. Le Bureau de la concurrence a docilement accepté la transaction. Depuis, Postmedia bénéficie du même traitement fiscal avantageux que les journaux qui appartiennent véritablement à des intérêts canadiens.

Pareillement, l’industrie de la radiodiffusion fait face à des difficultés, en raison des décisions discutables du CRTC sous le gouvernement Harper, lesquelles ont mis à mal le financement de la télévision locale. Peu avant Noël, la chaîne CHCH TV de Hamilton a déclaré faillite, et d’autres stations sont aux prises avec des difficultés à la grandeur du Canada.

Il n’est pas trop tard pour agir. Or, le gouvernement libéral doit agir vite et porter un regard objectif sur ce qu’il est possible de faire pour assurer la santé de l’industrie médiatique, en faisant appel à l’expertise de tous les acteurs de l’industrie. 

Le sort des journaux de Postmedia dépend des exigences élevées des fonds à vautour américains, qui ne se soucient guère de la santé des journaux ou de leurs précieuses contributions dans leur région et dans notre démocratie.

Les fonds à vautour n’ont d’autre raison d’être que de presser les entreprises soi-disant en difficulté comme un citron. C’est exactement ce qu’ils font avec Postmedia. Des emplois ont été supprimés. Des bureaux ont fermé ou ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes. Des biens immobiliers ont été vendus aux enchères.

Pour couronner le tout, les journaux versent les 10 premiers sous de chaque dollar de revenu qu’ils touchent aux fonds à vautour, à New York, avant même de payer leurs factures et de financer du journalisme de qualité.

Vous pouvez être sûr qu’ils les ont obtenus, quel que soit le prix à payer au Canada.

Le moment est venu pour notre nouveau gouvernement de passer à l’action avant que la situation empire.

Jerry Dias est président national d’Unifor, le plus grand syndicat du secteur privé au Canada, qui compte plus de 310 000 membres, dont 14 500 membres dans le secteur des médias.