Les négociations sur l’ALENA se déplacent au Mexique, le cœur du problème

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Ce week-end, deux semaines après la première ronde de négociations relatives au renouvellement de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) à Washington, où les parties ont essentiellement présenté leurs positions initiales, les pourparlers se déplaceront au Mexique, le cœur du problème.

Lorsque nous l’avons signé il y a près de 23 ans, on nous a dit que l’ALENA aiderait les travailleurs mexicains en leur offrant des emplois de qualité dans de nouvelles usines, combattrait la pauvreté et bâtirait des collectivités fortes.

Or, cela ne s’est pas concrétisé.

La triste vérité, c’est que la pauvreté n’a pas diminué depuis. Par exemple, dans l’industrie mexicaine de l’automobile, le travailleur moyen ne gagnait que 3,95 $ US de l’heure en 2007, ce qui signifie qu’une partie des travailleurs touchaient une rémunération nettement inférieure. Les Mexicains n’ont pas les moyens d’acheter les voitures qu’ils fabriquent, encore moins de procurer un niveau de vie décent à leurs familles.

L’ALENA a été formulé pour aider les entreprises, pas les travailleurs qui fabriquent leurs produits.

La raison pour laquelle l’ALENA n’a pas eu les effets promis est simple.  L’ALENA a été formulé pour aider les entreprises, pas les travailleurs qui fabriquent leurs produits. Il a été formulé pour soutenir les investisseurs, pas la collectivité. Son objectif premier a toujours été d’encourager le commerce, pas de lutter contre la pauvreté.

Selon la logique néolibérale de l’époque, aider les entreprises, stimuler les investissements et encourager le commerce contribuaient à la création d’emplois de qualité pour les travailleurs.

C’est ce que l’on appelait l’« effet de retombée ». Comme le mouvement syndical et les groupes progressistes des trois pays signataires l’avaient prédit, cet effet ne s’est jamais produit.

Je n’ai jamais autant détesté avoir raison.

La pauvreté et les salaires ont stagné, le pouvoir d’achat a diminué et les violations des droits de la personne se sont accrues, comme l’a démontré le rapport sur les droits de la personne du département d’État américain, qui a conclu en 2014 que le gouvernement mexicain n’avait pas systématiquement protégé les droits des travailleurs. En 2015, Human Rights Watch a déterminé que « la domination des syndicats favorables à l’employeur continuait d’entraver les activités de syndicalisation légitimes ».

Il n’est donc guère surprenant qu’une série d’usines d’automobiles aient vu le jour au Mexique au cours des dernières années. Au cours des 5 dernières années seulement, 9 des 11 nouvelles usines d’automobiles annoncées en Amérique du Nord ont été implantées au Mexique. Au total, 3,6 millions de véhicules ont été fabriqués au Mexique en 2016, mais seulement 1,6 million y ont été vendus.

Le Mexique compte 900 000 emplois dans le secteur de l’automobile (soit 45 % de l’industrie nord-américaine), contre 125 000 emplois au Canada (6 %). Les emplois canadiens chez les trois grands fabricants d’automobiles de Detroit ont fondu de plus de la moitié, passant de 52 000 en 1993 à seulement 23 000 l’année dernière. Depuis 2008, le déficit commercial du Canada dans le secteur de l’automobile avec le Mexique a triplé pour atteindre 12 milliards de dollars.

Nous devons toutefois préciser une chose : les travailleurs mexicains ne sont pas responsables de ce déséquilibre ou des torts subis par les travailleurs canadiens.

Devant la misère noire, le manque de débouchés et la fermeture de la frontière entre le Mexique et les États-Unis, personne ne peut reprocher à une jeune mère ou à un jeune père de famille d’accepter n’importe quel emploi, qu’il soit mal rémunéré ou qu’il frôle l’exploitation.

Nous devons toutefois préciser une chose : les travailleurs mexicains ne sont pas responsables de ce déséquilibre ou des torts subis par les travailleurs canadiens.

Au bout du compte, les travailleurs doivent subvenir aux besoins de leur famille. Ceux qui critiquent l’ALENA en sont conscients et savent parfaitement à qui imputer la responsabilité de cette situation.

Les coupables, ce sont les entreprises qui profitent du désespoir des travailleurs et qui délocalisent des emplois de qualité au Canada et aux États-Unis pour en faire des emplois précaires au Mexique.  Ce sont aussi les investisseurs qui, en choisissant de détenir des actions dans ces entreprises, encouragent ces comportements méprisables.

Et ce sont les négociateurs de ces types d’accords commerciaux (l’ALENA n’en étant qu’un exemple) qui permettent à ces entreprises de monter les travailleurs d’un pays contre ceux d’un autre pays dans un nivellement vers le bas.

Nous ne pourrons jamais empêcher les entreprises de rechercher les coûts les plus bas ou les investisseurs de rechercher les titres boursiers en hausse.

Néanmoins, nous pouvons arrêter de négocier des accords qui favorisent la baisse des salaires et des conditions de travail au nom du libre-échange. C’est le message que nous voulons passer aux négociateurs qui s’apprêtent à reprendre les pourparlers ce week-end au Mexique.